La réforme de la facturation électronique en France amorce une transformation importante pour les entreprises, grandes comme petites, avec pour objectif de rendre obligatoire l’échange de factures électroniques d’ici 2027. Bien que le projet prévoyait au départ un Portail Public de Facturation (PPF) gratuit pour centraliser les échanges, l’État a récemment renoncé à cette option, laissant aux plateformes privées, ou PDP, le soin de répondre à cette nouvelle obligation de facturation électronique. Face à cette situation, l’Ordre des experts-comptables s’est mobilisé, annonçant son intention de créer une alternative accessible pour les TPE-PME et micro-entreprises, afin de garantir une solution viable à tous les entrepreneurs. Retour sur les détails de cette réforme et les enjeux pour les professionnels.
Quelques rappels sur la réforme
Pour les entrepreneurs, la réforme de la facturation électronique en France représente un virage important. En effet, celle-ci vise à rendre obligatoire d’ici 2027 l’échange de factures électroniques entre entreprises assujetties à la TVA, peu importe leur taille. Elle repose sur des plateformes de dématérialisation dites “partenaires”, et initialement un Portail Public de Facturation, centralisant les échanges et automatisant la collecte de données pour l’administration fiscale.
Il concerne plus de 4 millions d’entreprises françaises, en incluant les autoentrepreneurs. Pour les entrepreneurs, cela implique donc l’adoption progressive d’outils numériques de facturation et de profiter de leur accompagnement pour faciliter cette transition.
Après de nombreux rebondissements, un échéancier officiel a été présenté il y a quelques mois :
- 1er septembre 2026 pour les grandes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire ;
- 1er septembre 2027 pour les petites et moyennes entreprises et les micro-entreprises.
Cette approche progressive répond ainsi aux constats révélés par de nombreuses études sur le manque de préparation et de compréhension des chefs d’entreprise. Elle permettra en effet de limiter l’impact des changements sur leur activité quotidienne et leur offrira la possibilité de choisir la solution numérique la plus adaptée à leurs besoins.
L’État se rétracte
Initialement, il était prévu que l’État français se joigne à la partie en développant un Portail Public de Facturation (PPF), une manière de proposer une plateforme simple et gratuite aux entrepreneurs, tout en gardant le contrôle sur une très grande partie du flux de factures.
Une évolution de la plateforme Chorus pro (qui permet actuellement aux entreprises françaises de déposer leurs factures électroniques à destination des administrations publiques) était en bonne voie pour répondre à cette réforme et tenir ce rôle de plateforme partenaire. Seulement voilà, il y a de ça 3 semaines, l’État publiait un communiqué de presse, annonçant sa rétractation, venant ainsi renverser l’échiquier et laisser le champ libre aux plateformes de dématérialisation partenaires (PDP).
La raison de cette rétractation n’est pas encore connue du grand public ; l’État témoigne avoir pris cette décision pour « assurer la tenue du calendrier prévu par la loi de finances pour 2024 et le respect des moyens définis » et partage son sentiment de confiance à l’égard des PDP pour “garantir des services de qualité, sécurisés et proposer des offres suffisamment élargies pour couvrir les besoins actuels et à venir de toutes les entreprises.” Si l’État abandonne son projet de Portail Public, il n’en reste pas moins connecté aux plateformes partenaires puisqu’il poursuit le développement d’une sorte de dispositif qui concentrera les données permettant leur transmission à l’administration fiscale.
Concrètement, qu’est-ce que cette annonce implique ?
Le Portail Public était la promesse d’une solution accessible et gratuite pour les entrepreneurs qui vont maintenant devoir choisir parmi les plateformes pour la quasi-totalité payantes… de quoi faire réagir ces derniers ! En première ligne, la CPME (Confédération des petites et moyennes entreprises) qui s’insurge de n’offrir qu’une alternative payante aux entrepreneurs pour émettre mais aussi pour recevoir les factures.
La réforme toute entière est pointée du doigt à cause de ce revirement de situation.
L’Ordre des experts-comptables entre en jeu !
Si cette nouvelle agite du côté des confédérations et syndicats, elle ouvre une voie royale aux plateformes privées qui vont pouvoir se partager le marché. Pour l’instant, plus de 70 acteurs ont été officiellement immatriculés et se retrouvent candidats pour gérer la facturation des entrepreneurs français dont, Qonto, Tiime ou encore Pennylane.
Par ailleurs, face à cette nouvelle, les professionnels du chiffre viennent d’annoncer qu’ils envisageaient de créer eux-mêmes ce fameux portail gratuit. D’ici le 1er septembre 2026, date à laquelle toutes les grandes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire devront être dotées d’une solution, l’Ordre projette de développer son propre outil pour assurer une solution aux TPE-PME et micro-entrepreneurs et ainsi offrir une alternative directe au PPF que l’État avait initialement envisagé puis abandonné. Pour autant, pas question de venir remplacer le rôle des PDP, comme le précise Cécile de Saint Michel, présidente de l’Ordre des experts-comptables, lors d’une interview accordée à Compte-Online :
Il s’agit d’un service minimum qui n’aura pas vocation à concurrencer les PDP commerciales, mais simplement à garantir que chaque entreprise, même sans moyens conséquents, puisse se conformer à la réforme.
De plus, l’Ordre souhaite prendre part à la réforme de la facturation électronique notamment pour accélérer la transformation de sa profession, en orientant davantage le métier d’expert-comptable vers un rôle de conseil en gestion d’entreprise. Avec l’automatisation de plus en plus répandue des tâches comptables, la profession aspire à recentrer son activité sur son cœur de métier : l’accompagnement stratégique des entreprises et telle est leur ambition à travers cette annonce.
Entre les ajustements de l’État, l’intervention des plateformes privées et l’initiative de l’Ordre des experts-comptables, cette réforme n’a pas fini de faire parler d’elle ! Il reste à voir comment ces différentes solutions se mettront en place et quelles seront leurs répercussions sur la transition vers la facturation numérique.