Afin de lutter activement contre la fraude sociale, qui pèserait entre 6 et 8 milliards d’euros selon un rapport de la Cour des comptes, l’État réagit avec une mobilisation de ressources supplémentaires et de nouvelles mesures législatives. Celles-ci se traduisent par la création d’un millier de postes supplémentaires mais également d’un renforcement des contrôles et des sanctions.
Parmi les plusieurs milliards estimés de fraudes, la principale source serait celle des cotisations des entreprises. En 2022, les Urssaf ont redressé 788,1 millions d’euros de cotisations et de contributions sociales, une somme que le gouvernement espère voir doubler d’ici 2027, comme a indiqué Gabriel Attal, ministre des Comptes publics dans une tribune du Parisien le 30 mai dernier. Parmi ces millions d’euros, près 88 % des redressements concernent les employeurs et 12 % les travailleurs indépendants.
Il existe aussi une disparité entre les différents secteurs d’activité. En tête, nous retrouvons le secteur du bâtiment et des travaux publics, qui concentre l’essentiel du montant des recouvrements, avec un total 524,2 millions d’euros. Juste derrière, nous découvrons les services aux entreprises, suivies des transports et enfin le commerce.
Même si elles représentent que 12 % des redressements en 2022, les cotisations sociales des indépendants, dont les micro-entreprises font partie, sont particulièrement dans le viseur. En effet, le ministre estimant à 800 millions d’euros le montant des revenus non déclarés par cette catégorie de travailleurs, avec une perte équivalente en termes de droits sociaux.
Davantage d’agents mobilisés
Le gouvernement avait fixé à l’Urssaf un objectif de redressement de 3,377 milliards d’euros sur la période 2018-2022. Depuis 2018, les résultats cumulés se sont finalement élevés à 3,532 milliards d’euros. L’objectif ayant été largement atteint, une réévaluation pour la période 2023-2027 a été réalisée, mettant cette fois-ci le curseur sur cinq milliards d’euros.
Afin d’atteindre ce nouveau montant, l’État a prévu une hausse de 60% des agents de contrôle ainsi qu’un croisement des données systématiques. Ces contrôles, au-delà de recouvrir une partie de la fraude, ont également pour vocation de :
- Vérifier la compréhension et la mise en place de la réglementation de l’Urssaf par l’employeur ;
- Réajuster les sommes versées par l’employeur au titre des cotisations sociales ;
- Garantir la concurrence entre les acteurs économiques.
Pour ce fait, l’État a débloqué un budget d’un milliard d’euros.
Les auto-entrepreneurs soumis à plus de contrôles
D’après les derniers chiffres publiés par l’Urssaf, le nombre d’auto-entrepreneurs est estimé à 2,5 millions à la fin du deuxième trimestre 2022, un chiffre en constante évolution. Ce statut séduit de plus en plus de travailleurs, qui y trouvent un parfait équilibre entre une comptabilité simplifiée et une liberté accentuée. Représentant un pourcentage certain dans le poids des indépendants, l’URSSAF a décidé d’accentuer les contrôles pour ce statut, afin de s’assurer que les déclarations et les cotisations soient correctement calculées mais aussi au titre du travail dissimulé, qui peut prendre deux formes :
- l’utilisateur ne s’est pas immatriculé au registre national des entreprises, a continué son activité après un refus d’immatriculation, après une radiation ou n’a pas effectué les déclarations requises auprès des organismes de protection sociale ou de l’administration fiscale conformément aux lois en vigueur ;
- ll n’a pas déclaré le chiffre d’affaires qu’il générait.
De plus, dans la tribune du Parisien, Gabriel Attal a insisté sur les près de 200.000 micro-entrepreneurs, qui exercent leur activité au sein de plateformes d’intermédiation financière entre professionnels et particuliers, et qui, dans certains cas, sont impliqués dans des sous-déclarations. D’ici 2027, ils pourraient se voir accorder une nouvelle mesure, qui obligerait les plateformes elles-mêmes à payer directement à la source les cotisations sociales des micro-entrepreneurs.
Le décret du 12 avril 2023
Bien que de nouvelles mesures au plan de lutte contre les fraudes sociales aient été annoncées pour une mise en vigueur dès janvier 2023, un décret du mois d’avril 2023 précise de nouvelles modifications de la législation relative aux contrôles de l’Urssaf. Certains changements sont rentrés en application le 1er mai 2023, dont nombreux points concernent aussi les micro-entreprises :
- À partir du 14 avril 2023, les contrôles effectués par l’Urssaf nécessitent que l’agent de contrôle envoie à l’entreprise soumise au contrôle un avis de contrôle au moins 30 jours avant la date prévue de sa première visite. Cela représente une augmentation de la durée préalable de notification, qui était précédemment de 15 jours. L’avis de contrôle doit être transmis par tout moyen qui permet de prouver sa réception.
- Le délai de remboursement du solde créditeur est réduit de 4 à 1 mois.
- L’Urssaf est tenue de proposer à la personne soumise au contrôle la possibilité d’avoir un entretien avec l’agent de contrôle, et ce avant l’envoi de la lettre d’observations.
- L’Urssaf est autorisée à utiliser des documents obtenus lors du contrôle d’une autre entreprise faisant partie du même groupe. Toutefois, cette mesure est soumise aux conditions suivantes : L’inspecteur chargé du contrôle doit informer la personne contrôlée sur l’origine et le contenu des documents et des informations sur lesquels il se base et à la demande de la personne contrôlée, l’inspecteur doit pouvoir fournir une copie des documents.
- Si la mise en demeure est envoyée plus de deux mois après la fin de la période contradictoire, aucune majoration supplémentaire n’est requise de la part de la personne contrôlée pour la période s’étendant de la fin de la période contradictoire à l’envoi de la mise en demeure.
- Si une entreprise contrôlée répète une pratique non conforme à la réglementation, qui a déjà été observée ou rectifiée lors d’un contrôle précédent, l’agent de contrôle établit un constat de non-conformité. Dans la lettre d’observations, l’agent de contrôle doit spécifier les éléments qui démontrent l’absence de mise en conformité.
- Le dispositif qui limite la durée du contrôle de l’Urssaf à 3 mois pour les entreprises de moins de 20 salariés devient permanent. Auparavant, seules les entreprises de moins de 10 salariés étaient concernées par cette limitation. Ce délai de 3 mois commence à la date de début des vérifications indiquée sur l’avis de contrôle ou à la date de la première visite de l’inspecteur. Toutefois, ce délai peut être prolongé de trois mois dans les situations suivantes : si la personne contrôlée en fait la demande ou si l’organisme de recouvrement en fait la demande. Néanmoins, cette nouvelle disposition comporte des exceptions : le travail dissimulé, l’abus de droit, l’obstacle au travail de l’agent de contrôle, l’insuffisance du constat de comptabilité ou retard dans la transmission des documents demandés par l’agent de contrôle, une documentation inexploitable, le report de la visite de contrôle à la demande du cotisant contrôlé.