Selon l’Observatoire de l’emploi des entrepreneurs, une étude née de la collaboration entre l’association GSC et la société Altares, le 1er semestre 2023 a enregistré une augmentation significative de la perte d’emploi des entrepreneurs. Avec un total de 25 296 chefs d’entreprise qui ont perdu leur emploi et une hausse de 36,6 % par rapport à la même période l’année précédente, la situation se montre très critique.
Personne n’est épargnée par ce raz-de-marée et l’augmentation touche à la fois les dirigeants de petites entreprises (TPE) et ceux de structures plus importantes. Les secteurs du BtoC, tels que la coiffure, la construction, les assurances ou encore la restauration, font face à des tensions considérables et sont les plus touchés. Autre phénomène inquiétant, le renforcement des mesures de recouvrement forcé de l’Urssaf qui pourrait potentiellement accélérer davantage le rythme des défaillances observées depuis le début de 2023.
Une situation commentée par Anthony Streicher, Président de l’association GSC : « Près de 140 chefs d’entreprise perdent désormais leur emploi chaque jour. Après une année 2022 qui nous alertait déjà sur la reprise des défaillances d’entreprise, cette accélération observée sur les premiers mois de l’année 2023 doit nous inciter à la plus grande vigilance. Alors que l’inflation, la hausse des coûts des matières premières, des taux d’intérêt, l’épuisement des carnets de commandes et le remboursement des PGE fragilisent les chefs d’entreprise, il est plus important que jamais de les accompagner pour qu’ils puissent sécuriser leur trajectoire professionnelle. Car n’oublions pas : nous ne pourrons préserver notre économie si nous ne protégeons pas ces femmes et ces hommes qui sont en première ligne.»
Des entrepreneurs face au chômage
Bien que l’âge médian des entrepreneurs touchés s’établisse à 45,9 ans, et il est notable que plus d’un tiers des entrepreneurs ont plus de 51 ans, et sont donc davantage visés. De plus, si l’on croise avec d’autres données, comme celles de l’étude menée par l’Apec et Pôle emploi publiée en 2022, on s’aperçoit que la question du rebond professionnel se révèle cruciale pour cette catégorie d’individus. En effet, sur les 485 000 demandeurs d’emploi cadres, ils sont un peu plus de 100 000 à avoir plus de 55 ans. On peut donc supposer que la réinsertion est davantage compliquée pour les travailleurs dits “seniors”.
Dans le cas des entrepreneurs, les tranches d’âge de 31 à 40 ans et de 41 à 50 ans enregistrent les chiffres les plus élevés en situation de « chômage », avec respectivement 6 282 et 6 803 dirigeants affectés. Par ailleurs, une tendance marquée se dessine chez les jeunes dirigeants. En effet, les entrepreneurs de moins de 26 ans connaissent une hausse du chômage de 40,1 % et ceux entre 26-30 ans une augmentation de 43,2 %. Ces chiffres soulèvent donc la question de l’accompagnement nécessaire pour ces jeunes chefs d’entreprise.
Au niveau national, près de la moitié des régions enregistre une hausse de plus de 50 % de pertes d’emploi. L’Île-de-France, en tant que principale région économique, est l’un des territoires les plus touchés et représente à lui seul près d’un quart des pertes d’emploi à l’échelle nationale. On parle de 5 468 entrepreneurs concernés et une augmentation de 47,9 % par rapport au 1er semestre 2022. Cinq autres régions ont connu des hausses de plus de 50 %, avec dans l’ordre : l’Auvergne-Rhône-Alpes (+57,6 %), la Nouvelle-Aquitaine (+ 56,6 %), l’Occitanie (+ 55,3 %) la Normandie (+ 54,3 %) et les Pays de la Loire (+ 53,2 %).
Toutes les entreprises sont impactées
Les entrepreneurs dirigeant des petites structures, comprenant moins de cinq salariés, sont en première ligne des pertes d’emploi, représentant près de 90 % des cas enregistrés. Cependant, une situation contrastante émerge pour les entreprises de plus grande envergure, car si la crise liée à la situation sanitaire avait vu une baisse des pertes d’emploi parmi les chefs d’entreprise dirigeant des structures de plus de 20 salariés, il en est tout autre ce semestre. En effet, les chiffres ont doublé par rapport à l’année précédente : une augmentation de 104,4 % pour les structures de 20 à 49 salariés et de 98,5 % pour celles de plus de 50 salariés a été enregistrée.
Concernant les structures juridiques, les gérants de Sociétés à Responsabilité Limitée (SARL) ont subi la majeure partie des pertes d’emploi, représentant 45,6 % de l’ensemble, et affichant une croissance de 42,5 % par rapport au premier semestre de l’année précédente. De plus, la part des dirigeants de Sociétés par Actions Simplifiées (SAS) a également augmenté ce semestre, avec une progression notable de 62,2 %. Les professions libérales, quant à elles, ont enregistré une augmentation moins prononcée (+10,2 %).
Des différences sectorielles
Les entrepreneurs dans le domaine de la construction et du commerce demeurent les plus durement touchés, enregistrant respectivement des augmentations de pertes d’emploi de 50,0 % et 47,2 %. Ces secteurs regroupent à eux seuls près de la moitié des liquidations judiciaires. En parallèle, la situation se détériore de manière significative pour les professionnels de l’hébergement, de la restauration et des débits de boissons, avec une hausse alarmante de 65,9 % des pertes d’emploi. Une situation qui s’explique par le contexte inflationniste qui touche actuellement la France, incitant les ménages à restreindre leurs dépenses. Il en va donc de même pour les services aux particuliers (coiffure, soins de beauté et corporels).
En parallèle, le secteur de l’assurance et de la finance enregistre la plus forte hausse de dirigeants ayant perdu leur emploi, avec une augmentation de 76,4 %. Cette tendance concerne principalement les courtiers et les gestionnaires d’actifs.
Toutefois, le secteur des services aux entreprises semble mieux résister, avec une augmentation de 39,8 % des pertes d’emploi, bien que des disparités significatives apparaissent entre les différentes activités au sein de ce secteur.
Une situation économique qui accentue davantage les pertes d’emploi et qui ne semble pas aller dans la bonne direction, comme l’explique Frédéric Barth, Directeur Général d’Altares : « Alors que la croissance économique est à la peine au 2e trimestre en zone euro lestée par l’Allemagne, la France fait preuve d’une remarquable vitalité. Néanmoins, l’économie donne des signes de refroidissement. Si l’inflation a déjà étouffé la consommation des ménages, la hausse des taux d’intérêt visant à la contrer devrait peser sur l’investissement des sociétés qui était resté jusque-là très dynamique. Dans ce contexte, le nombre de défaillances d’entreprises, et donc de pertes d’emplois de dirigeants, continuera de progresser au cours du second semestre 2023 mais encore en 2024. A fin août 2023, la France cumule déjà sur huit mois 34 500 défauts soit le niveau constaté à fin aout 2018. ».
Note : Tous les schémas sont tirés de l’Observatoire de l’emploi des entrepreneurs
